Stockage de déchets nucléaires français en Russie : une vieille affaire...
Paris, le 12 octobre 2009 – Pour Greenpeace, quelques éléments supplémentaires doivent nourrir le débat lancé par la diffusion du documentaire « Déchets, le cauchemar du nucléaire » prévue sur Arte demain et l’article paru ce matin dans Libération, sur l’exportation de déchets nucléaires. Car cette affaire ne date pas d’hier.
« Au travers du documentaire, on découvre les éléments de preuve et les détails de ce que Greenpeace dénonce depuis de nombreuses années », déclare Yannick Rousselet, chargé de campagne Nucléaire à Greenpeace.
Déchets nucléaires français : un trafic ancien
Depuis longtemps, une partie des déchets qu’Areva prétend recycler à La Hague pour qu’ils soient réutilisés dans des réacteurs finit en réalité stockée dans les plaines de Sibérie. Dès 1984, le cargo Mont-Louis coulait au large de Zeebruge (Belgique), avec à son bord une cargaison d’uranium français issu du retraitement à destination de Riga (Russie).
Plus récemment, le 7 décembre 2005, des activistes de Greenpeace ont bloqué le chargement d’une cargaison d’uranium sur le Kapitan Kuroptev, un navire à destination de Saint-Petersbourg. Par cette action, Greenpeace dénonçait alors l’exportation illégale de déchets nucléaires français à l’étranger
« Il est curieux d’avoir entendu, depuis des années, l’industrie nucléaire française dénigrer le niveau de sécurité et souligner le manque de sérieux de l’industrie russe suite à la catastrophe de Tchernobyl, et de lui avoir confié en même temps la gestion de centaines de tonnes de nos propres déchets nucléaires », note Yannick Rousselet.
Ce scandale révèle la vraie nature du retraitement
Sorties des 58 réacteurs de production d’électricité d’EDF, 1 450 tonnes de combustibles usés sont envoyées chaque année. 850 à 1 000 tonnes sont retraitées, le reste venant grossir la masse de déchets stockés dans les piscines de l’usine de La Hague (actuellement 8 000 à 9 000 tonnes)
Le retraitement consiste à séparer 3 grandes matières :
- le plutonium (1 %) : une petite partie est réellement recyclée et est utilisée pour fabriquer du combustible Mox. Le reste est stocké à La Hague.
- les produits de fission (3 %) : ils sont vitrifiés et actuellement stockés dans des puits ventilés dans l’usine de La Hague.
- l’uranium de retraitement (96 %) : c’est cet uranium qui fait aujourd’hui polémique. Il est envoyé dans l’usine de conversion de Pierrelattes (Drôme), afin d’y être transformé. Une grande part du produit issu de cette transformation est stocké sur place (18 000 tonnes), une autre est envoyé dans la mine de Bessines (Limousin) et le reste, dont les chiffres sont tenus secrets par EDF, est exporté vers l’usine russe de Tomsk via Le Havre et Saint- Petersbourg.
La version officielle serait que cette matière y est ré-enrichie afin de pouvoir être réutilisé comme combustible. En réalité, seuls moins de 10 % de la matière reviennent en France. Actuellement, au maximum deux réacteurs nucléaires français (Cruas 3 et 4) sont susceptibles de réutiliser ce combustible.
« Greenpeace met au défi Areva et EDF de publier avec précision les données sur l’ensemble des flux de matières entre la sortie des réacteurs, lors des opérations de retraitement, conversion et ré-enrichissement puis à la fin de retour en réacteur » exhorte Yannick Rousselet.