Stupeur à Heathrow. Ce matin, quatre activistes de Greenpeace ont réussi à grimper sur le toit d’un Boeing 777 et à brandir un message dénonçant le projet d’extension de l’aéroport londonien.
« À l’heure où, par exemple, l’Eurostar offre une alternative très compétitive pour rejoindre Paris, principale destination au départ d’Heathrow avec 60 vols par jour, pourquoi vouloir encore développer les capacités de cet aéroport, ce qui va contribuer à une augmentation du trafic aérien et donc des émissions de gaz à effet de serre ? », s’interroge depuis Paris Karine Gavand, responsable de la campagne Climat de Greenpeace France.
Ayant réussi à déjouer la vigilance de la sécurité pour atteindre le tarmac du terminal 1, les activistes de Greenpeace ont traversé la zone de débarquement, puis se sont hissés sur le fuselage en utilisant l’escalier mobile encore en place. Ils ont alors commencé à déployer sur la queue de l’appareil la banderole « Urgence climatique – Pas de troisième piste ». « Comment notre Premier ministre Gordon Brown peut-il s’engager à réduire les émissions britanniques de gaz à effet de serre de 80 % d’ici à 2050 et en même temps vouloir doubler la taille du plus grand aéroport au monde », commente l’une des activistes, Anna Jones, âgée de 27 ans. En fin de matinée, les quatre militants de Greenpeace ont été interpellés par la police britannique.
Par cette action, Greenpeace demande la mise en place d’un moratoire sur toute extension d’aéroport, un plafonnement du nombre de vols au niveau actuel et transformer les bénéfices engendrés par le trafic aérien soient réinvestis dans le développement du système ferroviaire britannique. Cette action intervient deux jours avant la fin d’une consultation publique lancée par le gouvernement sur son projet très controversé d’extension de l’aéroport d’Heathrow avec la construction d’une troisième piste d’ici à 2020. Greenpeace estime que voyager en train émet dix fois moins que prendre l’avion (1). Les trajets reliant Heathrow à des destinations accessibles par le train en moins de 6 heures, comme Paris, Bruxelles, Edimbourg, Newcastle, Leeds/Bradford ou Durham, représentent 100 000 vols par an (2). Si l’on transférait ces passagers dans des trains, le trafic d’Heathrow chuterait pour retrouver le niveau qu’il avait au milieu des années 1990. Voilà qui ce qui rendrait totalement inutile le projet de 3e piste de l’aéroport londonien.
Les émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien représentent actuellement environ 2 % des émissions globales, mais cette part devrait passer à 3 % en 2050. Au Royaume-Uni, l’avion représente le secteur où les émissions de gaz à effet de serre augmentent le plus vite (+100 % depuis les années 1990). En France également, les émissions dues au secteur aérien sont en forte hausse : plus de 50 % entre 1990 et 2000.
L’Union européenne a décidé de fixer à partir de 2012 des quotas d’émissions de dioxyde de carbone aux compagnies aériennes opérant en Europe pour les vols intra-européens et tous les vols partant ou arrivant dans l’UE. Et en France, suite au Grenelle de l’environnement, un comité opérationnel a été mis en place pour étudier la création d’une taxe sur le kérosène, applicable aux lignes aériennes qui seraient en concurrence avec les lignes ferroviaires à grande vitesse. « Cette taxe serait un premier pas encourageant vers une taxe kérosène applicable à l’ensemble des vols aériens, reprend Karine Gavand. Mais le processus démarre à peine. Nous serons vigilants pour s’assurer que le comité aboutisse à des propositions concrètes et ambitieuses, qui devront à leur tour être suivies par les parlementaires. »
(1) Calcul réalisé par Greenpeace. Le ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales britannique (Department for Environment, Food and Rural Affairs, Defra) estime qu’un vol émet 0,15 kg de CO2 par passager par kilomètre (voir www.defra.gov.uk/environment/business/envrp/gas/envrpgas-annexes.pdf). En multipliant ce chiffre par 2,7 (estimation fournie par le Giec du surplus de pollution occasionné par l’émission de gaz à effet de serre en haute altitude), on obtient 0,405. Le Defra estime que le train émet en moyenne 0,04 kg de CO2 par passager par kilomètre, ce qui représente environ 10 % de 0,405.
(2) Chiffre tiré des Questions à la Chambre des communes du 2 mai 2007.