Greenpeace souhaite-t-elle la réouverture des centrales à charbon en Allemagne ?

Climat

Greenpeace mène campagne depuis des années pour la sortie des énergies fossiles (pétrole, gaz fossile et charbon). Dans le contexte de crise climatique d’une part, mais également dans celui de la guerre en Ukraine, la production d’énergie en Europe pour les prochaines années (et en particulier les prochains hivers) se retrouve au cœur de nombreuses questions.

Avec la réalité de la hausse des prix, et la menace de coupures sur fond de tensions géopolitiques, les gouvernements de l’Union européenne sont contraints d’agir dans l’urgence afin de garantir un approvisionnement suffisant. La nécessité de stopper tout financement au régime de Poutine, notamment via l’importation de gaz fossile, charbon, pétrole et d’uranium, impose des choix cornéliens, en raison du manque d’anticipation de différents gouvernements européens.

Dans ce contexte, certaines solutions représentent de vraies avancées vers une transition énergétique durable et juste socialement : mettre en avant la sobriété en régulant les écrans publicitaires lumineux ainsi que l’éclairage par exemple, ou bien l’efficacité en accélérant la rénovation thermique des bâtiments et le développement massif des renouvelables

A contrario, certaines solutions représentent des régressions dans la lutte contre le réchauffement climatique, comme le recours au charbon ou aux terminaux méthaniers, et dans la transition énergétique, comme le nucléaire, une industrie trop lente et trop dangereuse.

En France, face aux conséquences de la guerre en Ukraine et à la défaillance du parc nucléaire, les premières mesures prises par le gouvernement vont malheureusement dans le sens d’une aggravation de la crise climatique avec la réouverture d’une centrale à charbon à Saint-Avold et le soutien à la construction d’un terminal méthanier au Havre.

En Allemagne, Greenpeace est extrêmement mobilisée pour le développement des énergies renouvelables qui ont remplacé progressivement l’énergie nucléaire et réduit l’utilisation des fossiles, ainsi que pour une sortie totale du charbon d’ici 2030. Comme tous les bureaux de Greenpeace, partout dans le monde, Greenpeace Allemagne milite pour une sortie du charbon la plus rapide possible.

Non, Greenpeace ne souhaite pas la réouverture des centrales à charbon

En qualifiant la réouverture de certaines centrales à charbon cet hiver comme « unumgänglich » (qui se traduit par “inévitable”, et non “essentiel” ou « nécessaire » comme certains l’ont traduit), Greenpeace Allemagne n’a fait que commenter un état de fait extrêmement regrettable, dû en partie au retard pris par le pays dans le développement des énergies renouvelables et les économies d’énergie, ainsi qu’à son addiction au gaz fossile d’origine russe. Ce n’est ni un soutien, ni un blanc-seing. Greenpeace a toujours été et reste opposée aux énergies fossiles n’a jamais dit que le charbon était mieux que le nucléaire. Greenpeace fait campagne activement en Allemagne et dans le monde entier contre les énergies fossiles (dont le charbon).

Les vraies solutions, pouvant réduire de façon importante et rapide notre dépendance aux énergies fossiles, sont les économies d’énergie (sobriété, efficacité énergétiques) et le développement massif des énergies renouvelables (électriques et de chaleur). Rappelons que la France, arc-boutée sur son aveuglement sur la filière nucléaire, est le seul pays européen à ne pas avoir atteint son objectif de développement des énergies renouvelables, ce qui place le pays dans une situation critique du fait des défaillances de son parc nucléaire. 

L’Allemagne fait face à une situation de forte dépendance vis-à-vis du gaz russe, Au-delà des économies d’énergie et du développement des renouvelables, si le gouvernement allemand veut assurer un hiver sans rupture d’approvisionnement il doit choisir entre deux options désastreuses : continuer à financer le gaz russe ou rouvrir provisoirement certaines centrales à charbon. Par ailleurs, la perspective de prolonger les 3 derniers réacteurs nucléaires qui restent en activité n’est pas une option souhaitable car d’une part cela ne permettrait d’économiser qu’une infime part de la consommation allemande de gaz fossile et d’autre part, la faisabilité technique de ces prolongations reste très incertaine. Présenter la situation comme un choix entre le charbon et le nucléaire est donc de la désinformation et de la malhonnêteté car cela est totalement faux.

Il est également totalement faux de dire que l’Allemagne a compensé l’arrêt du nucléaire par la dépendance au gaz russe ou l’augmentation du charbon. La dépendance au gaz russe est un choix géopolitique. Une majorité du gaz allemand est utilisée pour le chauffage et l’industrie et non pour la production d’électricité. Pour autant, le pays  consomme encore de grandes quantités de charbon ce qui est inacceptable et le gouvernement doit accélérer sa transition pour éliminer le plus rapidement possible les énergies fossiles de son mix énergétique.

Il est également faux de dire que le développement des renouvelables s’est toujours fait avec du gaz. De nombreux pays d’Europe de l’Ouest, comme l’Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni ont vu leur utilisation de gaz fossile diminuer avec l’essor des énergies renouvelables et ce malgré la sortie du charbon en parallèle. Le dernier rapport du GIEC est sans appel : dans les scénarios étudiés qui permettent de rester sous un réchauffement climatique de 1.5°C et donc de sortir des fossiles, la part dans le mix électrique mondial de l’éolien et du photovoltaïque passe de 9% aujourd’hui à 70% en médiane en 2050. Pour le nucléaire, on passe de 10% aujourd’hui à 8% en médiane en 2050. À court comme à long terme, les renouvelables sont l’outil de production majoritaire pour sortir des énergies fossiles. Selon le GIEC les énergies renouvelables (éolien et solaire) ont 9 fois plus de potentiel de réduction des émissions de CO2 d’ici à 2030 comparé au nucléaire et à un coût bien inférieur.

Il est également faux de dire qu’un modèle 100% renouvelables est impossible. De nombreuses publications scientifiques publiées dans des journaux internationaux revus par leurs pairs montrent qu’il est à la fois possible de sortir des énergies fossiles et du nucléaire en allant vers du 100% renouvelable*.

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, financer le régime de Poutine en achetant du gaz à la Russie serait en totale contradiction avec le soutien affiché au peuple ukrainien par les gouvernements européens, en plus d’être nocif pour le climat. Et le charbon est une énergie fossile climaticide par excellence. En augmenter la production est un retour en arrière tragique dans la lutte contre le réchauffement climatique.

* https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1364032118303897

* https://ieeexplore.ieee.org/document/9837910

* https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0016328722000076

Dernière mise à jour le 05/09/22