Les Jeux olympiques de Paris : un faux départ pour l’écologie
Le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, le COJOP, a mis en avant dans sa communication une volonté de faire de ces jeux un exemple sur le plan environnemental, notamment en proposant des JO « zéro plastique » et en s’engageant à diviser par deux les émissions de CO2 par rapport aux JO d’été précédents.
Malheureusement, au fur et à mesure de l’avancement de l’organisation et de la construction des différentes infrastructures, plusieurs engagements phares ont été revus à la baisse. Résultats des courses ? Beaucoup d’esbrouffe mais peu d’avancées réelles sur l’environnement : ces promesses ressemblent fort à une bonne vieille tactique de greenwashing.
Bien que tous les sites de compétition des JO de Paris soient accessibles en transports en commun et qu’une flotte de véhicules bas carbone ait été mise à disposition, ce sont les transports depuis l’étranger, et notamment les vols, qui pèsent le plus lourd sur l’empreinte carbone de cet événement. Il est difficile aujourd’hui d’estimer le bilan carbone final de ces JO mais les vols pris par les différentes délégations et le public international pèseront très lourd à l’arrivée. Et on ne parle même pas des épreuves de surf organisées à Tahiti avec un cargo de croisière en guise de village olympique…
Autre ambition affichée par les organisateurs des JO de Paris : viser une alimentation la plus locale possible, dont 30 % d’origine bio. La promesse est alléchante : « deux fois plus de végétal »… sans préciser par rapport à quoi ni donner de chiffres plus précis ! Qu’aucun détail ne soit apporté sur ce volet majeur est particulièrement déplorable, alors que 600 000 repas seront servis chaque jour au Village des athlètes. Les mesures concernant l’alimentation mises en place par Paris 2024 semblent donc essentiellement symboliques. Elles auraient pourtant pu aller beaucoup plus loin en montrant qu’il est possible de proposer une offre véritablement ambitieuse, bio, locale, végétale et parfaitement adaptée aux besoins nutritionnels des sportifs de haut niveau. Une belle occasion manquée.
Pendant la phase de candidature pour les Jeux olympiques, un élément de langage était omniprésent : le « zéro plastique ». Désormais, le COJOP préfère évoquer le fait de diviser par deux l’empreinte plastique à usage unique par rapport aux Jeux olympiques de Londres. L’abandon de l’engagement initial des JOP 2024 a même conduit à des dérogations pour les athlètes, permettant l’utilisation de plastiques jetables sous prétexte de « santé publique », selon l’article L. 541-15-10 du Code de l’environnement. Un renoncement qui laisse un goût amer, d’autant plus que l’un des principaux sponsors de l’événement n’est autre que Coca-Cola, champion du monde de la production de plastique.
De même, l’ambition d’atteindre une « neutralité en carbone » a été abandonnée dans la communication officielle des JO de Paris, suite à une alerte de l’Ademe (Agence de la transition écologique) qui considérait qu’une telle annonce pourrait être trompeuse. Il est en effet difficile de juger en avance du poids écologique d’un événement sportif de cet ampleur. La « neutralité » a donc été remplacée là aussi par un souhait moins ambitieux mais plus réaliste : « diviser par deux l’empreinte carbone des Jeux ».
Globalement, c’est tout simplement l’ambition « responsable » des Jeux qui a été divisée par deux. Dopées au greenwashing, les promesses qui ont accompagné la candidature de la ville de Paris n’auront pas suffi à masquer l’absence de mesures qui auraient permis l’organisation de Jeux réellement plus respectueux de l’environnement.
Des sponsors champions olympiques de la destruction de l’environnement
Aux promesses déjà écornées avant même le début des festivités s’ajoute un choix de sponsors dont les engagements sociaux et environnementaux sont nuls ou médiocres, en majorité de grands groupes industriels, dont les activités sont parfois en totale contradiction avec les valeurs prônées par le comité d’organisation. On retrouve parmi eux des ultra pollueurs, champions des énergies fossiles ou nucléaires, du secteur aérien, de l’automobile, du plastique ou des industries lourdes, tels qu’Air France, EDF, Toyota, Air Liquide, ArcelorMittal, Coca-Cola…
Toyota, médaille d’or des gaz à effets de serre
Toyota, par exemple, est l’un des principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. En 2022, le groupe automobile était responsable de 1,5 % des émissions mondiales de carbone, soit près de deux fois les émissions totales de la France !
Contrairement à certains concurrents du secteur automobile, Toyota n’a pas pris d’engagement clair pour éliminer progressivement les véhicules thermiques (à carburant fossile). Compte tenu de son poids mondial, il est essentiel que le groupe s’engage impérativement à ne plus vendre de nouveaux véhicules à moteurs thermiques, y compris des véhicules hybrides, dans le monde d’ici à 2030 au plus tard. Or il en est bien loin. Pire, le constructeur automobile est devenu l’un des principaux lobbyistes contre la lutte climatique. Toyota a activement encouragé les gouvernements à réduire les mesures de protection de l’environnement, tout en continuant à promouvoir des voitures à moteur thermique.
Coca-Cola fournisseur officiel… de plastique à usage unique
Il en va de même avec le sponsoring de Coca-Cola, en contradiction totale avec les intentions de Paris 2024 en matière de protection de l’environnement. Coca-Cola produit 120 milliards de bouteilles en plastique jetables par an, dont 99 % sont fabriquées à partir de combustibles fossiles, exacerbant ainsi la crise du plastique et celle du climat. En 2023, le mouvement mondial Break Free from Plastic a révélé que Coca-Cola était le premier pollueur plastique pour la sixième année consécutive. Oui, tout en haut du podium, mais quel podium… !
Pendant les JOP de Paris, Coca-Cola prévoit de distribuer 20 millions de boissons fraîches sur les différents sites de l’événement, dont 40% sous la forme de bouteilles en plastique, compromettant ainsi la crédibilité des engagements de Paris 2024 contre le plastique à usage unique. Pour vraiment lutter contre la crise du plastique et du climat, Coca-Cola doit soutenir un traité mondial sur le plastique visant à réduire sa production d’au moins 75 % et mettre fin au plastique à usage unique, conformément aux objectifs de l’Accord de Paris.
Malgré ce sponsoring controversé, la ville de Paris vise toujours le « zéro plastique » sur son territoire, promettant une offre de boissons et de restauration sans plastique autour des sites officiels. La municipalité mettra à disposition 30 000 gobelets réutilisables avec consigne et des contenants réemployables pour les repas à emporter. Elle prévoit également de réutiliser ce matériel pour économiser près de 12 tonnes de plastique par an, soit environ 800 000 bouteilles. D’autres acteurs, tels que les hôtels et monuments, se sont également engagés à ne pas distribuer de plastique jetable en signant la certification « zéro plastique » initiée par Paris. Des initiatives louables, contrairement à ce sponsor peu reluisant.
De l’or, de l’argent… et beaucoup de béton
Au-delà de l’engagement environnemental, c’est aussi l’impact social des JOP 2024 qui provoque beaucoup d’interrogations voire d’inquiétudes, notamment lorsqu’on a en tête l’héritage de certaines éditions passées. L’implantation de nouvelles infrastructures et le stress urbain provoqué par l’afflux du public et des journalistes posent question dans certains territoires vulnérables.
En Seine-Saint-Denis, des controverses écologiques et sociales
C’est le cas par exemple de la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France métropolitaine qui accueille plusieurs sites des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, avec une concentration de 80 % de l’investissement public pour les équipements. Les infrastructures sportives du département seront remises aux normes ou construites pour celles qui manquent. C’est le cas, par exemple du Centre aquatique olympique et de l’Adidas Arena. Le Village des Athlètes, prévu pour devenir un nouveau quartier après les Jeux, est présenté comme un projet clé pour le développement futur de la région.
Les installations olympiques, bien que voulues comme bénéfiques à long terme, suscitent des controverses écologiques et sociales.
La bétonisation accélérée, la spéculation immobilière et la gentrification entraînent une hausse des loyers et l’expulsion de résidents modestes. La destruction d‘espaces verts, comme les Jardins d’Aubervilliers, et l’augmentation de la pollution de l’air exacerbent les problèmes existants. La construction hâtive de nombreuses infrastructures cause de nombreux accidents : un ouvrier est mort sur un chantier des JO. Les habitants, confrontés à une présence policière massive et à une réduction des espaces publics, tentent de s’organiser pour lutter contre l’accumulation de ces effets néfastes.
Un projet particulièrement controversé est l’agrandissement de l’échangeur autoroutier A86 à Saint-Denis, à proximité de deux écoles, exposant 600 enfants à une pollution accrue. Malgré les préoccupations de l’Unicef et des dépassements des niveaux de NO2 recommandés par l’OMS, la mairie de Saint-Denis justifie ce projet par les besoins de desserte du village olympique.
À Teahupo’o, Tahiti, tant pis pour les coraux
Les épreuves de surf des Jeux olympiques de Paris 2024 à Teahupo’o, Tahiti, ont déclenché une controverse en raison de la construction d’une nouvelle tour des juges. Ce projet menaçait l’écosystème marin local, notamment les coraux, malgré les déclarations de l’organisation olympique sur la protection de l’environnement. Greenpeace France s’est opposée à ce projet, rejoignant les associations environnementales locales et internationales, ainsi que de nombreux surfeurs, pour dénoncer cette aberration écologique qui contredit les engagements de la France en matière de protection des océans.
Une tour en aluminium a finalement été construite et a endommagé irrémédiablement les coraux et perturbé la vie marine. Les solutions alternatives proposées, comme l’utilisation de la tour en bois existante ou la construction d’une tour sur la terre ferme, ont été rejetées par l’organisation olympique pour des raisons de visibilité et de sécurité, bien que certains experts affirmaient que les fondations de l’ancienne tour étaient encore solides. La nouvelle tour a toutefois intégré des modifications qui ont en partie apaisé la polémique, sans effacer pour autant les dommages environnementaux causés.Les récifs coralliens, essentiels pour la reproduction et l’alimentation des espèces marines, sont déjà menacés par le réchauffement climatique, l’artificialisation des littoraux et la pollution. Protéger ces écosystèmes est crucial, d’autant plus que la France abrite 10 % des récifs coralliens mondiaux, ce qui lui confère une responsabilité particulière dans leur préservation.
Des Jeux olympiques et des évènements sportifs à repenser
Le gouvernement et les organisateurs portent une lourde responsabilité dans l’impact environnemental de ces JOP. Ils n’ont pas mis en place les mesures qui auraient permis de réduire le bilan carbone de cette compétition, comme c’est souvent le cas pour des événements sportifs de cette envergure.
Le secteur des grandes compétitions sportives internationales émet plusieurs millions de tonnes de CO2 par an et doit, comme tout autre secteur en Union Européenne, réduire de 55 % son empreinte d’ici à 2030 (par rapport à 1990). La transition écologique du secteur sportif doit être repensée afin de proposer un cadre commun à suivre, compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique. Parce que les Jeux olympiques et paralympiques sont des événements très médiatisés dans le monde entier, il est crucial de s’interroger sur les aberrations en cours et de se mobiliser pour les faire évoluer. L’État français et les instances organisatrices doivent accompagner ce changement sur ce type d’événement clé en prenant des mesures politiques fortes, notamment :
- Réduire considérablement le nombre de spectateurs sur place, car le premier poste d’émission est le déplacement en avion.
- Réduire drastiquement le recours au transport aérien et permettre au public de vivre l’événement à distance.
- Utiliser uniquement des infrastructures existantes.
- Rendre les sites complètement accessibles par les transports en commun.
- Interdire totalement l’utilisation de plastique à usage unique.
- Abandonner les partenariats avec des marques dont les activités sont climaticides.
- Proposer une alimentation végétarienne, bio et locale.
D’un point de vue social, nous déplorons que ces JOP ne ressemblent en rien à la « fête populaire pour la France entière » revendiquée par le comité d’organisation, car les prix des billets restent largement prohibitifs pour une immense majorité de Français et Françaises et pour les effets désastreux qu’ils pourraient avoir sur certaines populations et dont nous avons parlé plus haut. D’un point de vue environnemental, ces JOP ne seront pas écologiques comme ils le prétendent et causeront de graves dégâts irréversibles, notamment en Seine-Saint-Denis. Tels qu’ils ont été organisés, ces Jeux 2024 ne semblent pas compatibles avec la lutte contre le changement climatique. L’arbitrage final est malheureusement sans appel : malgré les engagements climatiques initiaux de Paris 2024, la compétition de greenwashing continue.