Aux prises avec une épidémie d’Ebola d’ampleur dramatique, le Liberia a pourtant été à l’honneur au cours du Sommet climatique organisé cette semaine par les Nations unies. Ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, encore largement recouvert de forêts, vient en effet de rendre public un accord bilatéral avec la Norvège visant à y développer une agriculture dite « zéro-déforestation ».
L’accord prévoit en effet que le pays se dote d’une législation limitant aux zones non boisées les projets agro-industriels, type plantations de palmiers à huile, production de cacao ou de pâte à papier. En parallèle, la création d’un cadastre national et la reconnaissance légale des droits coutumiers des populations permettraient de limiter les conflits liés à l’allocation arbitraire des terres au profit des multinationales. Ces nouvelles dispositions s’appliqueront immédiatement aux nouveaux investisseurs. Elles conditionneront l’autorisation de « faire du business au Liberia » à un engagement préalable en faveur de pratiques « zéro déforestation ».
Elles concerneront également les projets en cours, quitte à revenir sur des contrats existants et, pourquoi pas, à les amender ! Une avancée remarquable et bienvenue dans un pays où, rien que dans le secteur de l’huile de palme, plus de 650 000 ha (la taille d’un département français) avaient été alloués à une poignée d’investisseurs ces dernières années, menaçant les forêts et la sécurité alimentaire de leurs habitants.
Parmi ces industriels attirés par la « nouvelle frontière » du palmier à huile qu’est devenue l’Afrique, et le Liberia en particulier, seuls les groupes Golden Agri Resources et Wilmar s’étaient déjà engagés à adopter une politique de plantations « zéro déforestation », conséquence des campagnes de Greenpeace ciblant Nestlé et Procter & Gamble, leurs clients respectifs.
Créant un précédent au niveau mondial, le Liberia a donc décidé d’institutionnaliser ces politiques privées pour en faire le standard légal national, étendu à d’autres matières premières agricoles ou sylvicoles.
La mobilisation citoyenne porte ses fruits
Quelques semaines avant l’annonce libérienne, Cargill, le géant du négoce des matières premières, ou encore Carrefour, n°2 de la grande distribution au niveau mondial, avaient également annoncé leur politique d’approvisionnement « zéro déforestation ». Et ces derniers jours, les principaux récalcitrants, dont le numéro un mondial de la production d’huile de palme Sime Darby, ont peut-être fait un pas décisif, annonçant « un moratoire immédiat sur le déboisement des zones à haute valeur de carbone (High Carbon Stock areas) ».
Reste à les convaincre de rendre ce moratoire permanent et d’adopter le référentiel « zéro déforestation » promu par Greenpeace, et dorénavant institutionnalisé par un gouvernement africain. Greenpeace demeurera évidemment vigilante quant à l’application rapide de ces différents engagements et leur impact concret sur le terrain, c’est-à-dire les forêts tropicales de notre planète.