Climat

Les négos s’ouvrent, les activistes sont enfermés

C’est parti. Officiellement. Environ 20 000 négociateurs. 195 Etats plus l’Union européenne. La 21e conférence des parties (COP21) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), comme on dit dans le jargon, s’ouvre ce matin.

Elle trouve son origine historique dans la conférence de Stockholm qui eut lieu du 5 au 16 juin 1972 et qui fut le tout premier colloque mondial à élever la question écologique au rang d’enjeu diplomatique de la première importance. Son initiateur, le canadien Maurice Strong, est décédé ce samedi 28 novembre 2015.

2 semaines pour 2°C

L’objectif de la COP 21 : parvenir à un accord qui place le réchauffement climatique sur une dynamique inférieure à +2°C. Et la présidence française est ambitieuse : elle évoque la finalisation d’un texte d’accord dès la fin de cette première semaine, la seconde devant être consacrée aux derniers arbitrages entre ministres et aux détails techniques liés à la conclusion d’un tel accord.

Un monde en mouvement

Climat ambivalent, ce week-end, avant le début des négociations. D’un côté, plus de 500 000 personnes ont défilé lors de grandes marches mondiales pour le climat, dans environ 175 pays, soit quasiment la totalité des pays de la planète. Du jamais vu. Et sur Internet, plusieurs milliers de personnes s’étaient réunies sur March4Me.org pour que ceux qui ne pouvaient pas marcher trouvent quelqu’un pour marcher pour eux, pendant que nous faisions voler une montgolfière pour brandir notre mot d’ordre dans le ciel parisien : 100% d’énergies renouvelables pour tous.

Car en France, à la suite des attentats tragiques du vendredi 13 novembre 2015, les rassemblements publics pour le climat étaient interdits – alors que la fête du beaujolais, les différents marchés de Noël ou les matchs de foot ne souffraient pas la moindre restriction. Une jolie chaîne humaine s’est néanmoins nouée de République à Nation, à Paris, et des chaussures, symbolisant les marcheurs interdits de défilé, disposées en nombre sur la place de la République, comme le signe d’une multitude qui ne se résigne pas.

La démocratie priée de rester chez elle

Mais plus préoccupant, des activistes climatiques ont d’ores et déjà dû subir indûment les effets de l’état d’urgence : 24 d’entre eux ont été assignés à résidence sans motif sérieux ni autorisation juridique préalable. Interdiction de sortir de chez eux pendant les 15 jours de la COP21. Traités comme des terroristes, en somme. François Hollande nous a assurés ce week-end qu’il n’y en aurait plus.

Nous le prenons au mot et nous serons vigilants. Car instrumentaliser des attentats meurtriers pour réduire des libertés publiques n’est pas acceptable. La démocratie ne doit pas être la victime collatérale de la barbarie.

Le défilé des chefs d’Etat

Aujourd’hui sont attendus tous les chefs d’Etat. Ce sont eux qui cette année ouvrent les débats. L’occasion de prendre la température : ce sont eux qui donnent le la aux négociateurs. Un florilège de discours somptuaires sont donc attendus. Nous verrons s’ils sont à la hauteur de l’enjeu.

Il faudra surtout être attentif aux discours de Barack Obama et de Xi Jinping. Parce que les Etats-Unis et la Chine sont les deux plus gros émetteurs de CO2 de la planète. Parce que les économies américaines et chinoises sont les deux plus importantes du monde. Et parce que ce serait la première fois que ces deux superpuissances signeraient un même accord sur le climat. Bref, ce sont les deux “big players”, comme on dit dans le sabir des négos.

Deux semaines de négociations pour Greenpeace

De notre côté, ce sont deux semaines de suivis et de négociations intenses pour pousser nos demandes pour le climat qui nous attendent. Première demande : passer progressivement à 100 % d’énergies renouvelables pour tous d’ici à 2050, ce qui signifie adopter comme objectif de long terme l’élimination totale des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) sans pour autant recourir à de fausses solutions, comme le nucléaire. Aujourd’hui, le texte ne mentionne même pas le mot “énergie”, et encore moins le mot “fossile”, aussi surréaliste que cela puisse paraître.

Or fixer un objectif de long terme ambitieux, ce qui n’est pas acquis pour l’instant, est primordial pour laisser le temps aux différents acteurs économiques de réorienter leur activité en fonction des nouvelles normes édictées.

Seconde demande : il faut que l’accord instaure des périodes d’engagement de cinq ans, de façon à ce que les objectifs de réduction des émissions des pays soient évalués et revus à la hausse de façon régulière, dès avant 2020. Car plus l’échéance est éloignée, plus les pays vont tarder à mettre en place des mesures, et plus il sera difficile de rester sous la barre des 2°C.

Des paroles, des paroles, des paroles

Enfin, il faut que l’accord soit juridiquement contraignant, sans quoi toutes ces discussions resteront comme de vains courants d’air. Sur ce point, les discussions vont être ardues avec certains grands pollueurs de la planète très dépendants au pétrole, comme les Etats-Unis ou le Canada.

Autant de demandes qui seront poussées au gré des plénières, des rencontres en coulisses et des communications publiques, qu’il s’agisse des micros journalistiques ou des posts sur Twitter. Des cafés, beaucoup. Du sommeil, peu. Des convictions, toujours. Inébranlables.

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