Comparatif des programmes du second tour
1 – Contexte de la campagne
La pollution de l’air occasionne 67000 décès par an en France, et une diminution de l’espérance de vie de 1,6 ans (Source)
Douze villes, dont Montpellier fait partie, dépassent les seuils réglementaires de dioxyde d’azote (NO2), ce qui a valu à la France d’être condamnée par la cour de justice de l’union européenne (Source). L’exposition à ce gaz nocif et à d’autres polluants atmosphériques comme les particules fines entraîne une augmentation des risques d’AVC, de pathologies respiratoires, de ralentissement de la croissance fœtale au cours de la grossesse, d’asthme chez l’enfant, etc … (Source)
A Montpellier, les émissions de NO2 sont principalement dues au trafic routier (82% en 2016) (Source)
A cette crise sanitaire, s’ajoutent une urgence écologique (les transports représentent plus de 30% des émissions de gaz à effet de serre en France), et sociale (le coût de possession d’une voiture est en moyenne de 3000€ par an), nécessitant le développement des alternatives à l’autosolisme.
2 – Objectifs
Pour toutes ces raisons, le groupe local Greenpeace de Montpellier s’est mobilisé, depuis le début de la campagne électorale, pour interpeller les candidats sur nos demandes relatives à la lutte contre la pollution automobile, leur proposer des solutions, leur demander d’expliciter leurs positions et les inciter à prendre des engagements forts sur ces sujets. Nous avons réalisé une synthèse de leurs propositions, afin d’informer les citoyen·nes et les électrices/électeurs, en amont des élections municipales. Pour rappel, Greenpeace est une organisation non partisane et indépendante politiquement. Nous ne soutenons aucune liste, aucun parti, aucun programme ni aucun candidat ; nous ne proposons pas de classement global des candidat·es, ni n’appelons à voter pour aucun·e candidat·e.
Pour rappel également, nous apportons un éclairage sur les engagements pris, ou pas, par les candidat.es sur le sujet majeur de la pollution de l’air, de la réduction du trafic routier et de la sortie des véhicules polluants, mais les candidat·es se positionnent aussi évidemment sur d’autres enjeux très importants que notre analyse ne couvre pas.
3 – Choix des critères
Afin de réduire l’usage de la voiture, sans compromettre notre liberté à nous déplacer, trois étapes, indissociables, doivent être mises en œuvre. Le développement des transports en commun et des mobilités actives, permettra un report modal de la voiture vers ces alternatives. L’espace dédié à la voirie étant particulièrement restreint à Montpellier (nous n’avons pas de grandes avenues permettant une mixité complète des transports), le développement des alternatives nécessite des mesures restrictives à l’usage de la voiture, qui occupe actuellement une place prépondérante dans l’espace public. Enfin, il est indispensable d’assurer un accompagnement social des personnes qui seraient les premières concernées par ces mesures restrictives, afin qu’elles ne soient pas pénalisées.
Nous avons choisi plusieurs critères factuels, que nous avons déclinés dans 6 thèmes, souvent liés :
- Le développement des alternatives à la voiture : afin de donner à chacun·e la possibilité de se déplacer autrement qu’en voiture.
- Le positionnement par rapport aux grands projets routiers: ils représentent un risque supplémentaire pour la qualité de l’air, le climat et l’environnement et leur coût financier est incompatible avec les investissements nécessaires pour développer les mobilités durables.
- La place de la voiture dans notre société, et dans l’espace public : réduire l’omniprésence de la voiture, notamment en ville.
- Les objectifs de sortie progressive des véhicules thermiques : nous proposons en priorité une sortie complète des véhicules diesel, comme ce sont les principaux émetteurs d’oxydes d’azote, puis des véhicules essence qui ne représentent pas une alternative viable, ni pour notre santé ni pour le climat.
- La Zone à Faibles Emissions : dans laquelle sont progressivement interdits les véhicules les plus polluants et qui doit de notre point de vue s’inscrire dans un cap de sortie complète du diesel et de l’essence et dans un objectif plus global de sortie du tout-voiture.
Vidéo expliquant le principe d’une ZFE
- L’accompagnement des habitants dans cette transition écologique et sociale : pour ne pas pénaliser les plus fragiles et les accompagner en priorité dans le report modal vers des mobilités alternatives ou vers des véhicules moins polluants s’il leur est impossible de se passer de la voiture au quotidien.
4 – Méthodologie
Le 9 Décembre, nous avons envoyé à chacun des candidats (potentiels et déclarés), un courrier leur rappelant la situation, et leur demandant leur positionnement sur des points précis. Nous avons échangé avec les candidats qui le souhaitaient, et avons compilé leurs réponses, avec leurs prises de parole dans les médias et dans les débats, ainsi que les éléments publiés dans leur programme. Nous n’avons pas pris en compte les éléments partagés avec nous uniquement oralement, qui n’ont pas été confirmés par écrit ou lors d’une prise de parole publique.
Afin d’évaluer la crédibilité de leurs engagements, nous avons également regardé si des mesures concrètes et chiffrées y étaient associées. Nous avons considéré que les précisions techniques et financières pertinentes étaient un gage de sérieux du candidat sur le sujet. A contrario, nous avons accordé peu de crédit aux engagements flous et non argumentés (par exemple : « Je m’engage à diminuer la pollution de l’air », mais sans préciser les moyens et objectifs).
5 – Synthèse des résultats
La Zone à Faibles Emissions (ZFE) et la sortie des véhicules thermiques
La ZFE, qui sera mise en œuvre l’an prochain est rendue obligatoire par la loi d’orientation des mobilités pour les agglomérations les plus polluées.
L’équipe de P. Saurel reste très vague sur l’avancée des études en cours depuis 2018, et n’a pas donné suite à nos demandes de précisions. Nous trouvons ce manque de transparence anormal vis-à-vis des citoyens, alors que ces travaux sont financés entièrement par de l’argent public. Quoiqu’il en soit, la ZFE envisagée est très peu ambitieuse, puisqu’elle s’appliquerait dans un premier temps … à l’Ecusson ! Il souhaite faire un effort sur la logistique du dernier kilomètre.
Nous regrettons que les ZFE ambitieuses proposées par A. Doulain, C. Ollier et C. Mantion lors du premier tour, aient disparues au moment de leur alliance avec M. Altrad et M. Delafosse. Ces derniers proposent désormais une ZFE à l’échelle de la métropole, mais s’appliquant uniquement aux poids lourds.
Montpellier se positionne donc bien loin des ambitions de Paris, Strasbourg et Grenoble, qui ont déjà programmé la sortie complète du diesel entre 2024 et 2030.
Des dispositifs de surveillance de la qualité de l’air sont proposés par M. Delafosse (dans les écoles) et M. Altrad (dispositifs pour les habitants).
Aides à la transition
Lors du premier tour, déjà peu de candidats proposaient des dispositifs d’accompagnement, ou des aides financières, pour accompagner tous les habitants dans la transition écologique. Au second tour c’est pire.
Les candidats sont passés à côté de l’intérêt social que pouvait apporter l’évolution des transports. Le coût de possession d’une voiture est en moyenne de 3000€ par an. Permettre à des gens de se passer de leur voiture, ou de l’utiliser moins souvent, c’est un gain pour leur pouvoir d’achat. Entretenir la dépendance à la voiture, c’est maintenir la charge de ce budget (le plus important pour les ménages français avec le logement et l’alimentation) sur les citoyens.
La gratuité des transports proposée par M. Delafosse, déconseillée par plusieurs experts en urbanisme, n’apporte rien aux ménages qui n’ont pas accès aux transports en commun. Cette mesure entraîne un report modal des piétons et cyclistes vers les transports en commun, mais de très peu d’automobilistes. Son effet sur la qualité de l’air est donc contesté, et elle n’est pas adaptée à un réseau déjà saturé aux heures de pointe comme le tramway de Montpellier. P. Saurel et M. Altrad proposent des tarifs adaptés.
Les projets routiers
Les nouvelles infrastructures routières entretiennent notre dépendance à la voiture, augmentent le trafic et les nuisances associées, et vont à contre-sens de l’urgence sanitaire et climatique. Elles ne règlent pas le problème des embouteillages, qui réapparaissent amplifiés, puisque les automobilistes sont contraints de continuer à utiliser leur voiture.
Afin de sortir de ce cercle vicieux, et de régler le problème des embouteillages sur le long terme, il faut développer les mobilités durables, pour permettre à ceux qui le souhaitent de se déplacer autrement qu’en voiture.
- Saurel soutient tous les projets routiers sans condition, alors que ceux-ci ne respectent pas les objectifs du Manifeste de Montpellier qu’il a lui-même proposé.
- Delafosse est favorable au contournement ouest (COM), mais s’engage à ce qu’il n’y ait aucun financement de la métropole, et que le projet soit payé par l’Etat. Cette décision est contradictoire puisque que l’Etat ne financera pas seul un tel projet, dont les coûts ont explosés (il coûterait plus de 400 millions d’euros pour juste 6 km), d’autant plus en période de crise économique.
- Enfin M. Altrad s’est opposé au COM. Nous saluons ce positionnement, et le fait qu’il ait accepté de changer d’avis sur un sujet important. Les candidats qui ne veulent pas changer d’avis par principe laissent peu d’espoir à l’émergence de démocraties collectives, citoyennes et participatives. L’opposition à un projet doit être accompagnée d’une proposition alternative. Lors d’un débat, M. Altrad a proposé de construire des tunnels à la place du COM. Nous sommes surpris par cette incapacité à sortir du paradigme de la voiture individuelle. Plusieurs propositions alternatives au COM, mettant en avant les mobilités durables, ont pourtant été présentées par des associations.
La société civile se mobilise pour combattre le projet du COM. Si vous souhaitez participer, vous pouvez signer la pétition http://change.org/montpellier ou nous contacter par Facebook ou Twitter.
Nous tenons également à parler du LIEN (Liaison Nord – St-Gely-du-Fesc, Combaillaux, Grabels), une 2×1 voie de 8 km, dont les travaux sont actuellement en train de détruire plusieurs dizaines d’hectares de forêt, dont la zone de Bel-Air, qui est le réservoir de biodiversité le plus riche de la Métropole, abritant 114 espèces protégées. Il représente à lui seul l’étalement urbain, le manque de maîtrise de l’urbanisation, l’impact de l’activité humaine sur la nature, et l’incapacité à sortir de l’autosolisme. Nous regrettons amèrement qu’aucun des candidats, qui se sont pourtant auto-proclamés écologistes et protecteurs de la ceinture verte, n’ait condamné ce chantier dont le coût environnemental est inacceptable. Si vous souhaitez vous associer à la lutte contre ce projet, vous pouvez contacter l’association SOS Oulala sur Facebook ou Twitter.
Place de la voiture
Un des rares points positifs que l’on retrouve dans le programme des candidats est la généralisation du 30km/h en ville. Sans réellement augmenter les temps de trajet en ville (la vitesse moyenne d’une voiture en ville est de 20km/h), elle permet de créer un climat apaisé favorable aux mobilités actives. Le double-sens cyclable devient obligatoire (plus de sens interdit pour les vélos).
Cette mesure est portée par M. Delafosse qui souhaite la généraliser en dehors des grands axes. Elle semble partagée par M. Altrad, même si nous ne la retrouvons pas dans son programme détaillé. P. Saurel parle également de zones 30 mais sans détailler leur étendue. M. Delafosse propose en plus de développer les zones de rencontre (limitées à 20km/h avec priorité aux piétons), et de piétonniser les abords des écoles. Nous approuvons cette dernière mesure qui permettrait d’améliorer la qualité de l’air pour les enfants, particulièrement touchés par la pollution, ainsi que les risques liés à la sécurité routière. P. Saurel souhaite réaliser une extension de la zone piétonne, mais n’a pas souhaité nous préciser son étendue. M. Altrad propose de sécuriser les cheminements piétons sans préciser la teneur ou le financement de cette mesure, et évoque également la possibilité d’un péage urbain en fin de mandat.
La réduction des stationnements en ville, discutée lors du premier tour, n’a pas été abordée. Pourtant, chaque place représente une perte de 10m² d’espace public, et plusieurs études ont montré que les piétons et cyclistes consomment plus volontiers que les automobilistes dans les commerces des centres-villes.
Les alternatives à la voiture
Concernant les alternatives à la voiture, le mouvement #JeSuisUnDesDeux a réussi à mettre le vélo au cœur des débats. Nous vous conseillons de suivre l’analyse de l’association Vélocité sur ce thème. A noter que tous les candidats ont, depuis le premier tour, un plan vélo plutôt ambitieux. C’est une excellente nouvelle pour Montpellier qui était à la traîne au niveau des infrastructures cyclables. La proposition de M. Altrad de « wagon-vélo » serait adaptée à des transports inter-urbain, mais pas au tram en ville.
Les 3 candidats souhaitent renforcer l’offre de transports en commun, mais nous regrettons le manque de précision de leurs programmes à ce sujet. M. Altrad reste flou, il semble vouloir concentrer ses efforts sur la commune de Montpellier, et promet un arrêt de transport en commun à moins de 8 minutes à pied pour tous les habitants. Cette proximité des arrêts est également défendue par M. Delafosse. M. Saurel annonce l’achat de nouveaux bus, mais n’a pas souhaité nous communiquer le coût des bus à hydrogène prévus.
Les 3 candidats souhaitent réaliser la ligne 5 de tramway, suspendue durant le mandat de P. Saurel, ainsi que la liaison entre les deux gares. P. Saurel souhaite également prolonger la ligne 1 de tramway vers Grammont. M. Altrad et M. Delafosse proposent le prolongement de la ligne 3 jusqu’à la mer.
Les embouteillages aux heures de pointe sont principalement dus aux 69000 personnes résidant hors de la métropole et venant y travailler chaque jour. Afin de régler ce problème sur le long terme, nous attendions de la part des candidats, des solutions alternatives à la voiture dépassant les limites de la métropole. M. Altrad cite les lignes de BHNS (Bus à Haut Niveau de Service), mais ne détaille pas leurs destinations. P. Saurel ne semble pas imaginer de réseau sortant de la métropole. M. Delafosse se distingue positivement avec un programme détaillé de plusieurs lignes de bus inter-urbaines et la réhabilitation d’anciennes voies ferrées. On reste néanmoins bien éloigné des projets de RER urbains portés à Bordeaux, Toulouse ou Rennes.
La voiture individuelle, en plus d’être le mode de déplacement le plus cher et le plus polluant, est également celui qui occupe le plus d’espace. Pourtant, dans l’Hérault, 75% des déplacements domicile-travail sont réalisés en voiture, pour seulement 8% en transports en commun. Afin de préserver les zones naturelles existantes, et de régler sur le long terme les embouteillages, il faut rééquilibrer ce rapport de force, en permettant à ceux qui le souhaitent de se déplacer autrement qu’en voiture.
6 – Bus ou Tramway ?
Montpellier est reconnue pour son réseau de tramway. Pourtant, plusieurs candidats souhaitent arrêter son développement, sous prétexte qu’il coûte trop cher, et investir uniquement dans des lignes de bus. C’est l’occasion de rappeler quelques éléments importants.
Au niveau financier, le tram demande un investissement de départ plus important, à cause de son infrastructure, et parce que le projet finance en général la rénovation complète de la voirie. Mais le coût global (investissement, matériel, fonctionnement), qui intéresse les élus ayant une vision à long terme, est équivalent entre le bus et le tramway. Point de vigilance sur les bus hydrogènes qui ne sont pas pour le moment produits en série et qui pourraient coûter cher à la collectivité. Le choix entre le bus et le tram doit donc se faire sur d’autres critères que l’aspect financier. L’un n’est pas mieux que l’autre, chacun a ses caractéristiques qui le rend mieux adapté à un besoin d’aménagement du territoire. (Source)
Le tramway a une capacité importante, un meilleur confort, et valorise la zone traversée. Il est adapté sur des axes avec beaucoup de voyageurs quotidiens.
Le bus transporte moins de voyageurs mais a une meilleure flexibilité et peut être mis en œuvre plus rapidement. Il est adapté aux zones moins denses.
D’après une étude de 2016 de la FNAUT (Source), en dessous de 22000 voyageurs par jour, le tram n’a pas d’intérêt. Au-dessus de 45000, le bus n’est plus adapté. Entre les deux, une étude comparative est nécessaire.
Gardons également à l’esprit que le bus, qui roule sur pneus, est beaucoup plus consommateur d’énergie que le tram, qui roule sur des rails, et subit beaucoup moins de frottements.
Nous invitons donc les candidats à ne pas éliminer l’un ou l’autre par principe, mais à étudier au cas par cas les modes de déplacement les plus appropriés à chaque situation.
7 – Fin de la campagne
Bien que les 3 candidats se disent écologistes, nous avons été déçus par le manque d’ambition de leurs programmes, sur les thèmes des transports et de l’environnement. Nos revendications étaient surement exigeantes, mais elles ne nous semblent pas exagérées au regard de l’urgence et de l’importance des crises sociales et écologiques qui s’annoncent.
Nous espérions des propositions ambitieuses et de réels changements, mais la majorité des propositions sont portées par l’inertie du système actuel. Sur le thème des transports, cela se traduit par une incapacité à oser autre chose que l’auto-solisme, en dehors de la sanctuarisation du centre-ville.
Néanmoins, Montpellier possède tous les ingrédients et toute l’énergie nécessaires pour devenir un laboratoire de la transition écologique. Comme nous avons, malgré tout, relevé dans les 3 programmes des éléments qui vont dans le bon sens, nous espérons que le futur maire fera partie de cette aventure.
Prenez vos précautions dimanche pour aller voter, le virus est malheureusement toujours parmi nous. Et si vous en avez la possibilité, ne prenez pas la voiture pour y aller :).