Le mythe de la fiabilité du nucléaire est mis à mal ces derniers temps en Europe. Alors que l’énergie éolienne comble les manques provoqués par les fermetures de réacteurs nucléaires en Grande-Bretagne, la Belgique ferme ses réacteurs pour raisons de sûreté.
La Belgique au pied du mur
La compagnie belge Electrabel, qui a effectué un examen approfondi des dégâts causés à la turbine à vapeur du réacteur de Doel 4, a fait état de « dégâts importants« . Rappelons que cet incident serait un sabotage : une personne aurait délibérément laissé s’écouler 65 000 litres d’huile de la turbine vers un réservoir souterrain destiné à récupérer cette huile en cas d’incendie. Manquant de lubrifiant après cette manœuvre, la turbine a surchauffé et s’est automatiquement arrêtée. Le réacteur restera à l’arrêt au moins jusqu’en décembre 2014.
Au même moment, la Belgique fait face à la mise à l’arrêt de Doel 3 (près d’Anvers) et de Tihange 2 (près de Huy) pour des raisons de sûreté nucléaire. En cause ? Des fissures dans la cuve des réacteurs, repérées en 2012.
Précisons qu’il est probable que plusieurs autres réacteurs dans le monde présentent des symptômes identiques. 22 de ces réacteurs possèdent en effet des cuves fabriquées par la société néerlandaise aujourd’hui disparue RDM (Rotterdamsche Droogdok Maatschappij).
Au Royaume-Uni, EDF Energy a annoncé avoir mis à l’arrêt quatre réacteurs.
Une décision prise suite à la détection d’un défaut sur la chaudière du réacteur n°1 de la centrale de Heysham, située dans le Lancashire sur la côte du nord-ouest de l’Angleterre. EDF Energy a décidé de mettre à l’arrêt pour inspection les réacteurs similaires : le réacteur n°2 de la même centrale, ainsi que les réacteurs n°1 et n°2 de la centrale de Hartlepool. Des réacteurs qui sont tous plus que trentenaires.
En Europe et aux États-Unis, des fermetures pour cause de sécheresse (et donc de difficultés pour refroidir les réacteurs) ont déjà eu lieu. Et l’inspecteur en chef de la dernière centrale encore en service en Californie, construite sur une faille sismique, recommande sa fermeture. Car lors d’une période prolongée de sécheresse ou de canicule, le niveau des cours d’eau est généralement plus bas et leur température plus élevée. Les centrales nucléaires doivent alors adapter leur fonctionnement à cette contrainte afin de ne pas perturber les écosystèmes.
Comment combler le manque énergétique lorsque ces réacteurs, si fiables, sont à l’arrêt ?
La Belgique peut compter sur l’électricité fournie par ses voisins … Illustrant la fameuse « indépendance énergétique » et la « sécurité des approvisionnements » vantées par l’industrie nucléaire.
Au Royaume-Uni, la situation est légèrement différente, en version renouvelable… Ce sont en effet les ENR qui sont venues combler les manques cet été. « La demande est relativement basse à cette période de l’année, et une grand quantité d’énergie éolienne est produite » relève le gestionnaire du réseau britannique, le UK National Grid. Les apports en énergie électrique sont restés stables.
La crise en cours avec la Russie montre à quel point l’Europe est dépendante des importations d’énergie, en particulier du pétrole et du gaz russes. L’UE a dépensé un total de 421 milliards d’euros dans les importations d’énergie en 2012. Faire le pari de l’indépendance énergétique d’un continent sur d’hypothétiques réserves d’hydrocarbures de schiste, sur des projets d’importations ou sur la prolongation de vie des réacteurs nucléaires n’est pas viable. Les dirigeants européens doivent donc mettre l’accent sur les économies d’énergie et les énergies renouvelables afin de réduire la dépendance de l’Europe et d’améliorer sa sécurité énergétique. Pour réduire le risque de pénurie d’approvisionnements énergétiques, pour réduire les risques posés par les changements climatiques, pour réduire les risques liés au nucléaire vieillissant.
Quelles leçons peut-on en tirer
Tout d’abord, l’idée que l’énergie nucléaire est une source d’énergie fiable garante d’une sécurité énergétique est un mythe, en particulier dans un monde où les réacteurs arrivent en fin de vie. Car ils deviendront de plus en plus vulnérables en prenant de l’âge.
Ensuite, on constate un changement de vision : ce ne sont plus les ENR qui ont besoin d’être soutenues par “une vraie production” d’origine nucléaire. C’est le nucléaire qui, aujourd’hui, doit s’appuyer sur les ENR pour combler les défaillances de l’atome. Le nucléaire doit assurer ses arrières, grâce aux ENR…
De plus en plus de réacteurs nucléaires vont fermer dans les années à venir, car ils atteignent l’âge de la retraite. L’industrie nucléaire ne peut tout simplement pas construire des réacteurs de remplacement assez vite ou assez bon marché pour combler le manque.
C’est une lacune que les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique peuvent combler en toute sécurité et de manière fiable.
Comme cela a été récemment relevé dans le « World Nuclear Industry Status Report« , l’industrie nucléaire n’a de cesse d’opposer aux renouvelables leur « intermittence » … mais oublie que, comme dans un orchestre symphonique, tous les instruments ne jouent pas au même moment, mais se répondent et se complètent pour faire durer le concerto…
Les ENR s’associent, se répondent et se complètent. Elles sont plus sûres, moins chères, plus faciles à démarrer, à arrêter, à construire !
L’Agence internationale de l’énergie a publié jeudi un nouveau rapport, le Medium-Term Renewable Energy Market Report 2014, dans lequel elle relève qu’éolien, solaire et autres ENR ont progressé à un rythme inédit l’année dernier, et produisent désormais 22% de l’électricité mondiale.
En Belgique, au Royaume-Uni, ou en France où les arrêts pour maintenance s’enchaînent, c’est le nucléaire qui fait figure d’énergie intermittente.
Qui n’assure pas la sécurité d’approvisionnement. Qui n’assure pas l’électricité peu chère. Qui n’assure pas l’avenir…