De nombreuses et récentes études montrent qu’un mix électrique 100% renouvelable est tout à fait possible d’ici 2050. Pourtant, ce sujet suscite de nombreuses interrogations voire crispations, et à juste titre, puisqu’un débat serein et éclairé manque cruellement dans la sphère publique. Afin d’y voir plus clair, nous vous proposons d’exposer ici les principaux enjeux relevés par les expert·es autour des renouvelables.
Engager une vraie politique de développement des renouvelables en France
Quel que soit le scénario envisagé, il est indispensable de développer rapidement les énergies renouvelables. Pourtant, la France a pris énormément de retard : c’est aujourd’hui le seul pays d’Europe à ne pas avoir respecté ses objectifs 2020 de développement des renouvelables ; elle est dernière du classement européen. Au rythme de développement actuel, il sera impossible d’engager une transition dans de bonnes conditions si la France continue à ne pas respecter ses objectifs de développement des énergies renouvelables, qu’elles soient électriques ou de chaleur.
Sobriété et efficacité énergétiques comme socle de la transition
S’il est important de se questionner sur la façon dont la France va produire son énergie en 2050, et donc sur les modes de production à privilégier, il est essentiel de s’intéresser aussi en amont au volume d’énergie consommée. Sortir des énergies fossiles sera d’autant plus facile que la demande en énergie sera faible. La réduction de la demande en énergie passe par deux facteurs : la sobriété et l’efficacité énergétique. Si de nombreux efforts peuvent être faits en termes d’efficacité énergétique, tout ne peut pas reposer sur ce pilier. Il semble alors essentiel de s’interroger sur les modes de vie et de consommation des pays industrialisés. Ne faut-il pas revoir nos modes de consommation et nos usages ? Lutter plus sévèrement contre le gaspillage énergétique ?
Nombreux sont les scénarios qui vont en ce sens en donnant des exemples concrets de mesures qui peuvent être mises en place. A l’échelle individuelle bien sûr, comme le fait de privilégier la marche, le vélo ou les transports en commun quand c’est possible. Ou encore de diminuer le nombre d’équipements électriques dans les logements ou bien de maintenir le chauffage à 18°C ou 19°C maximum si le logement le permet. Toutefois, ces gestes individuels doivent être accompagnés de mesures fortes de la part du gouvernement. Par exemple en luttant contre la précarité énergétique et en allouant un budget significatif à la rénovation énergétique des logements, en développant massivement le ferroviaire, en luttant contre le gaspillage d’énergie dans l’espace public ou en facilitant les menus végétariens.
Le secteur de l’électricité va être soumis à deux dynamiques contraires : d’un côté l’électrification de nombreux secteurs d’activité, qui va entraîner une augmentation des besoins en électricité ; de l’autre, des efforts de sobriété et d’efficacité énergétiques plus ou moins importants qui devraient permettre une baisse de la demande pour de nombreux usages actuels d’électricité. L’ampleur de chacune de ces deux dynamiques contraires va profondément influencer le niveau de production électrique nécessaire à l’horizon 2050. A Greenpeace, nous pensons que la maîtrise de la demande énergétique, grâce à des économies d’énergie, des politiques de sobriété et des mesures encourageant l’efficacité énergétique, est absolument indispensable à une transition moins énergivore.
Intermittence, stockage de l’énergie, répartition des renouvelables sur le territoire : explications
Une question revient souvent : mais comment peut-on faire du 100 % renouvelable alors qu’il y a n’a pas de soleil la nuit et parfois pas de vent ?
Pour assurer un approvisionnement continu en électricité, il faut en effet une adéquation permanente entre la consommation et la production d’électricité. L’idée est de déployer différentes options que l’on peut regrouper derrière le terme de flexibilités :
- Au niveau de la consommation, certains usages peuvent être en partie ou totalement pilotés ou programmés pour les périodes de fortes disponibilités de l’éolien ou du photovoltaïque. On le fait déjà avec le système d’heures pleines et d’heures creuses pour les chauffe-eau électriques et cela pourrait être étendu à la recharge des véhicules électriques, au chauffage des bâtiments et dans les entreprises et les industries. L’enjeu est notamment de limiter au maximum les pics de consommation d’électricité, qui sont typiquement vers 19h en hiver actuellement.
- Il est possible de déployer intelligemment les énergies renouvelables sur tout le territoire français pour bénéficier d’un effet de foisonnement, notamment de l’éolien, entre les différents régimes de vents du territoire et des trois surfaces maritimes françaises.
- Il faut développer les interconnexions entre les pays européens pour profiter d’un effet de foisonnement encore plus important à l’échelle de l’Europe.
- Il faut aussi développer le stockage de l’électricité, déjà en améliorant le stockage hydraulique existant via les centrales de pompage-turbinage (appelées “STEP”), puis en développant le stockage à court terme, journalier ou hebdomadaire, avec des batteries électriques stationnaires pour restituer la nuit l’électricité stockée par le soleil la journée si le vent est insuffisant. Enfin, il faudra miser sur le stockage intersaisonnier ou annuel, grâce à l’hydrogène vert ou du méthane de synthèse, qu’il conviendra de réussir à stocker en grande quantité l’été, quand les besoins de consommation sont moindres et la production solaire maximale, pour l’hiver et notamment les périodes où le vent est insuffisant.
- Ces moyens de stockage, tout comme les éoliennes et les centrales photovoltaïques, pourront également être adaptés et utilisés pour assurer la stabilité du réseau électrique.
Si le stockage de l’hydrogène à une échelle industrielle est un important défi économique et technique pour arriver au 100 % renouvelable, ce n’est absolument pas une impasse technologique mais une filière à développer, filière qui sera ensuite utile dans le monde entier pour limiter l’usage des énergies fossiles.
L’idée n’est donc pas de constituer un approvisionnement 100 % éolien ou 100 % solaire en recouvrant la France d’éoliennes ou de centrales solaires au sol mais, au contraire, d’associer les avantages des différentes énergies renouvelables pour minimiser leurs inconvénients : hydraulique, éolien sur terre et en mer, photovoltaïque sur toitures, en ombrières de parking ou au sol, géothermie, bioénergies, énergies marines, stockage par batteries ou gaz bas-carbone (hydrogène ou méthane de synthèse vert)… Le tout en les répartissant de façon équitable et intelligente sur les territoires.
L’avis de Greenpeace sur les scénarios 100% renouvelables
Ces défis peuvent paraître importants, mais les scénarios incluant le nucléaire posent également de nombreuses difficultés qui remettent cette énergie en question : problème du coût du nouveau nucléaire, incapacité du nucléaire à résister aux aléas climatiques et aux crises à venir, incapacité de l’industrie à construire de nouveaux réacteurs à temps pour le climat (comme le montre le fiasco de l’EPR de Flamanville et dans le monde)…. Sans compter le constat de la dépendance du nucléaire à la Russie et la dangerosité de cette énergie dans un contexte géopolitique instable.
La question d’un mix 100% renouvelable n’est pas celle de la faisabilité : si des défis industriels existent, plusieurs scénarios montrent qu’il est techniquement possible de produire de l’électricité uniquement avec les énergies renouvelables. Des pays comme l’Espagne ont déjà enclenché une transition énergétique en ce sens. Notre avenir énergétique est avant tout une question de choix de société : quelle place est-on prêt à accorder collectivement à la sobriété énergétique ? Est-on prêt à continuer avec le risque du nucléaire alors que des alternatives sont possibles ?
Greenpeace France estime qu’une transition énergétique sobre vers une électricité 100 % renouvelable est non seulement réalisable sur le plan technique mais aussi souhaitable. Elle peut permettre d’impliquer localement les citoyennes et les citoyens dans la transition sociétale nécessaire à la lutte contre le réchauffement planétaire et à l’adaptation des territoires face à ses conséquences, tout en limitant les risques associés au nucléaire.
Contrairement à certains propos simplistes, il n’est pas question de sortir du nucléaire en fermant toutes les centrales dès demain, mais de ne pas construire de nouvelles centrales nucléaires pour laisser la place aux renouvelables, en fermant progressivement les centrales actuelles d’ici 2050, et en développant massivement les énergies renouvelables en parallèle.
Il est crucial d’engager dans les plus brefs délais une politique énergétique qui garantit notre indépendance, notre sécurité et qui ne détruit pas l’environnement. L’urgence est aux économies d’énergie et aux énergies renouvelables.
Pour en savoir plus, Nicolas Nace, chargé de campagne Transition énergétique, répond à vos questions sur le nucléaire et les renouvelables en vidéo.
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Crédit photo : © Jeronimo Acero / Greenpeace