Ségolène Royal a présenté ce matin les grandes lignes de la loi sur la transition énergétique. Si le projet de loi reste tel qu’annoncé, soit sans limite d’âge pour les réacteurs nucléaires ni mécanisme de fermeture, la transition énergétique promise n’aura pas lieu…
Ce projet de loi, c’est quand ?
Le projet de loi de programmation pour la transition énergétique était très attendu … et depuis longtemps déjà ! Car le candidat Hollande, élu président, s’est quelque peu précipité dans ses annonces notamment lors de la première conférence environnementale, persuadé qu’une loi de programmation énergétique serait rédigée et votée (!) en peu de temps.
Les couacs se sont multipliés sur les échéances : Ségolène Royal a contredit Matignon ce dimanche 8 juin : alors que les service du Premier ministre annonçaient vendredi que la loi de programmation serait mise à l’agenda parlementaire en 2015, la ministre de l’Écologie a assuré, lors d’un déplacement, qu’elle restait programmée pour une adoption à l’automne 2014.
Après la communication en conseil des ministres de ce jour, le projet est transmis pour avis au Conseil économique, social et environnemental (CESE) ainsi qu’au Conseil national de la transition écologique (CNTE). Le 11 juin a eu lieu la saisine du CESE par le Premier ministre sur l’avant-projet de loi relatif à la Transition énergétique. Deux sections du CESE, respectivement de l’Environnement et des Activités économiques, présenteront un seul avis qui sera soumis en plénière le 9 juillet prochain. Il est prévu que le CESE auditionne Ségolène Royal ce 19 juin, même si cette audition n’est pas confirmée dans les agendas.
C’est seulement alors que la « navette parlementaire » pourra être envisagée.
Ce projet de loi, c’est quoi ?
C’est un projet de « loi de programmation » ou loi de programme…
Selon la définition, elle est donc censée : « décrire les objectifs que se fixe l’État dans un domaine (enseignement, dépenses militaires…) pour les années à venir, et les moyens financiers qu’il envisage d’y consacrer. Cependant, les crédits correspondants ne peuvent être ouverts que par une loi de finances. » (voir la définition sur le site de l’Assemblée nationale)
Ce projet de loi, que dit-il ?
Aucun élément dans la loi ne garantit que la promesse phare de François Hollande de réduire la part du nucléaire à 50% en 2025 sera tenue.
En effet, la loi ne propose aucun mécanisme clair permettant de fermer des réacteurs nucléaires.
Des études récentes ont montré que leur prolongation au-delà des 40 années de fonctionnement pourrait coûter aux alentours de 4,4 milliards d’euros par réacteur ce qui rendrait le nucléaire définitivement moins compétitif que les énergies renouvelables. Lire sur le sujet notre billet : Très cher nucléaire
Le bon sens économique et environnemental voudrait que le gouvernement plafonne à 40 ans maximum la durée d’exploitation des réacteurs nucléaires. Sans décision claire sur ce point, comme l’a souligné la Cour des comptes, l’État laisse EDF imposer aux Français sa coûteuse obstination pour le nucléaire.
Les responsables politiques ne se donnent donc pas les moyens de faire sauter le verrou du nucléaire en France, menaçant dès lors le développement des énergies renouvelables et la promesse présidentielle.
Revenons sur les déclarations d’Henri Proglio lors du colloque de l’Union française de l’électricité du 17 juin 2014 à propos du projet de loi :
« On a beaucoup travaillé en commun avec le gouvernement et les administrations compétentes. On a eu la possibilité d’émettre un certain nombre d’idées, de préoccupations. […] Je ne le sens pas mal. Je n’ai pas de raison de douter une demi-seconde du fait que ce texte devrait aller dans le sens de l’intérêt du pays et donc nous convenir parfaitement. »
En juillet 2013, nous publiions le premier volet de notre enquête sur les décideurs de l’énergie en France et posions la question : qui décide de la politique énergétique de la France ? Aujourd’hui la question ne se pose plus. C’est bien EDF.
Énergies renouvelables et émissions de CO2 : un manque d’ambition
Concernant les objectifs de développement des énergies renouvelables en France et de réduction des émissions de CO2, ceux-ci sont clairement décevants à l’image des positions prises par l’Hexagone au sein des négociations européennes en cours.
Pour être un leader européen, la France aurait dû pousser un objectif de 45% de renouvelables d’ici à 2030 dans le mix énergétique français alors que dans le projet de loi aujourd’hui l’objectif est de 32%. C’est un mauvais signal qu’envoie une nouvelle fois la France à ses partenaires diplomatiques alors que notre pays s’apprête à accueillir la COP en 2015.
Comme l’a récemment rappelé la Cour des comptes, nous sommes au pied du mur et ne rien décider aujourd’hui c’est décider d’étendre la durée de fonctionnement des réacteurs nucléaires.
C’est donc imposer aux Français les coûts et les risques afférents, au détriment de la transition, des bénéfices économiques et sociaux qui y seraient associés.