"Tant que nous continuerons à utiliser l'énergie nucléaire, ce qui m'est arrivé peut vous arriver à tout moment. Le 11 mars, j'ai franchi le seuil de ma maison et j'ai dû laisser mon ancienne vie derrière moi. Vous, en revanche, vous vivez encore le 10 mars, vous avez donc encore la possibilité d'éviter une telle catastrophe. Votre 11 mars peut se dérouler de deux façons".
- ProfilMizue Kanno
- Mizue Kanno vivait dans la petite communauté de Tsushima au sein de la ville de Namie, dans la préfecture de Fukushima, jusqu'à ce que la contamination radioactive due à l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi l'oblige à évacuer. Après avoir passé plusieurs années dans des logements temporaires dans la préfecture de Fukushima, elle a déménagé dans la préfecture de Hyogo en 2015, où elle vit aujourd'hui avec sa famille. Son ancienne maison de Namie se trouve dans une zone considérée comme "difficile à réintégrer", qui n'a aucune chance de devenir habitable dans un avenir prévisible.
La ville de Namie, d'une géographie inhabituelle, comporte une partie orientale sur la côte pacifique, reliée à une partie intérieure qui s'étend vers le nord et l'ouest. L'hôtel de ville est situé sur la côte est de la ville, à seulement 8 km des vestiges de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi exploitée par la Tokyo Electric Power Company (TEPCO). La ville a subi de lourds dégâts causés par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011. Malgré sa proximité avec Fukushima Daiichi, la centrale se trouvant techniquement en dehors des limites de la ville, les informations ont été transmises tardivement aux responsables de Namie alors que la situation se détériorait. Toutefois, sentant que la ville était en danger, dès le lendemain du tremblement de terre, les autorités locales ont pris l'initiative de demander aux habitants et habitantes de la partie côtière de la ville d'évacuer vers Tsushima, un district montagneux situé dans le secteur nord-ouest. Mizue Kanno, une habitante de Tsushima, a ouvert ses portes aux ami·es et aux parents qui n'avaient nulle part où loger. Personne ne s'en est rendu compte à l'époque, mais Tsushima elle-même a été soumise à des niveaux très élevés de retombées radioactives au début de l'accident. Cela n'a été rendu public que bien plus tard.

Plongée dans le chaos
L'ancien domicile de Mme Kanno se trouve à environ 27 km de la centrale de Fukushima Daiichi. Au départ, on pensait que Tsushima était trop éloignée pour être touchée, et la mairie avait identifié la ville comme un lieu sûr. Cependant, dans la soirée du 12 mars, un jour après l'accident, Mizue Kanno a vu une voiture avec à bord ce qui semblait être des enquêteurs scientifiques, portant des combinaisons de protection et des masques à gaz. Sans même quitter leur véhicule, ils l'ont avertie de quitter la zone immédiatement. Plus tard dans la nuit, le gouvernement japonais a étendu la zone d'évacuation à tout ce qui se trouvait dans un rayon de 20 km autour de la centrale accidentée. Sentant qu'elle n'était pas en sécurité, Mme Kanno a exhorté les ami·es et les parents qui s'étaient rassemblés chez elle à s'éloigner encore plus. Elle a aussi insisté pour que les mères qui allaitaient leurs enfants partent immédiatement. Les membres restants ont passé la nuit chez elle, mais le lendemain matin, tout le monde est parti de son côté. "Allez aussi loin que possible avec le carburant que vous avez dans votre réservoir", leur a dit Mme Kanno en partant.
Mizue Kanno elle-même n'a été évacuée que trois jours plus tard. En l'absence d'ordre d'évacuation officiel pour Tsushima, la majorité des habitants et habitantes sont resté·es sur place. Lorsqu'elle s'est entretenue avec des voisins et voisines, beaucoup ont tout simplement refusé de se croire en danger et l'un d'entre eux s'est exclamé qu'il avait pleinement confiance dans la sécurité de la centrale nucléaire. Comme sa famille aidait dans un centre d'évacuation local, Mme Kanno est restée sur place jusqu'au 15 mars, date à laquelle les autorités locales ont décidé que toute la ville devait être évacuée.
"J'avais supposé qu'une entreprise aussi importante que TEPCO aurait tout prévu en cas d'urgence. Après tout, combien de fois avait-elle rassuré la communauté locale sur sa capacité à résister aux catastrophes ?"
Mme Kanno avait emménagé dans la maison familiale de son mari à Tsushima quatre ans plus tôt, en 2007. Après trois ans de travaux, le couple avait terminé la restauration de cette maison japonaise traditionnelle seulement huit mois avant le grand séisme de l'est du Japon. Tsushima s'est révélée accueillante et heureuse d'accepter une nouvelle "étrangère", mais restait une petite communauté, très solidaire et ancrée dans ses traditions. Comme de nombreux foyers portaient le même nom de famille, tout le monde s'appelait par son prénom, peu importe son âge ou son statut. La maison de Mme Kanno était entourée d'un grand jardin où son fils jouait souvent lorsqu'il était plus jeune. Elle attendait avec impatience le jour où elle pourrait installer une balançoire pour y voir jouer ses petits-enfants, comme son propre fils auparavant.
Mme Kanno a dû tout laisser derrière elle : sa maison, ses biens, son jardin, sa nouvelle communauté, les montagnes couvertes de forêts et tous les souvenirs qui y étaient associés.

Un niveau d'exposition hors normes
Après l'ordre d'évacuation du 15 mars, Mme Kanno a finalement quitté Tsushima. À son arrivée dans la ville de Koriyama, à 50 km à l'ouest, elle a du passer un test de dépistage des radiations.
"Lorsqu'ils ont tenu le compteur Geiger contre ma veste et mes cheveux, l'aiguille est montée jusqu'à cent mille cpm*. Je n'ai compris que bien plus tard ce que cela signifiait. Personne n'a enregistré officiellement cette valeur, ni les autorités de Fukushima, ni le gouvernement central. Je pense qu'ils ont dû se rendre compte des problèmes que cela poserait si l'on apprenait que le public avait été exposé à un tel niveau de radiations. Cet incident m'a profondément bouleversée et, tant que je vivrai, ce sentiment de malaise ne me quittera jamais."
En 2016, un cancer de la thyroïde a été diagnostiqué à Mme Kanno. Cependant, en raison de l'absence de tout dossier officiel relatif à son dépistage initial, il lui a été impossible de prouver un lien avec les retombées radioactives auxquelles elle a été exposée à Tsushima.
"Je connais une boutique près de la côte de Fukushima qui vend des colliers à clipser sur les T-shirts et des colliers larges de style ras-de-cou. La propriétaire du magasin m'a dit qu'il y avait une forte demande pour des accessoires qui peuvent cacher les marques laissées par la chirurgie de la thyroïde. J'ai vu des jeunes femmes avec des cicatrices sur le cou bien plus grandes que les miennes. À mon âge, cela n'a pas beaucoup d'importance pour moi, mais j'aimerais pouvoir échanger mes cicatrices contre les leurs".

La population de Namie n'a pas été la seule à manquer d'informations sur Fukushima Daiichi : même les autorités locales ont été tenues à l'écart. Le gouvernement japonais avait procédé à une modélisation des rayonnements à l'aide d'un système de simulation de gestion de crise appelé SPEEDI et avait identifié la possibilité qu'un panache radioactif, en d'autres termes un nuage de particules hautement radioactives, ait pu dériver en direction de Tsushima. Bien que le gouvernement préfectoral de Fukushima ait eu connaissance de ces résultats de modélisation, l'information n'a jamais été communiquée à la mairie de Namie, un fait qui n'a été révélé que deux mois après l'accident. L'ancien maire de Namie, feu Tamotsu Baba, était furieux contre le fonctionnaire du gouvernement de Fukushima qui est venu s'excuser par la suite :
"Si nous avions eu connaissance de ces modélisations, nous n'aurions jamais dit à nos concitoyens et concitoyennes de se réfugier à Tsushima. Il y avait des enfants qui jouaient dehors devant le centre d'évacuation, pour l'amour du ciel ! En ce qui me concerne, vous avez tout simplement tué des gens en ne nous le disant pas."

La souffrance animale : le prix de l'arrogance humaine
Dans la précipitation de l'évacuation, de nombreuses personnes n'ont pas eu d'autre choix que de laisser leurs animaux de compagnie derrière elles. Les centres d'évacuation avaient une politique d'interdiction des animaux et les bus utilisés pour l'évacuation ont même refusé l'embarquement aux personnes qui en transportaient. Une partie des propriétaires ont libéré leurs chiens de leur laisse avant de partir, dans l'espoir qu'ils parviendraient à survivre par leurs propres moyens. D'autres, ignorant l'étendue de la contamination, ont laissé leurs animaux à la maison en pensant revenir bientôt les chercher. Celles et ceux qui ont emmené leurs animaux n'ont pas eu le droit de les faire entrer dans les centres d'évacuation. Mme Kanno se souvient avoir vu des chiens enfermés dans des voitures, anxieux et saignant des morsures qu'ils s'étaient infligées.
Dans le chaos sans précédent de l'évacuation d'une ville entière, de nombreuses personnes n'ont eu d'autre choix que d'abandonner leurs chats et leurs chiens. Bien sûr, cela n'a pas empêché les trolls d'Internet de les dénoncer : "Regardez-les s'enfuir sans prendre la peine d'emmener leurs animaux !"
"Lorsque nous avons commencé à réaliser que l'évacuation allait durer indéfiniment, les gens ont essayé de rentrer pour récupérer leurs animaux de compagnie ou vérifier l'état de santé de leur bétail, mais ils se sont aperçus que des barricades avaient été érigées et que leurs maisons étaient interdites d'accès. Je connais un homme qui a longuement cherché son chien disparu, et lorsque le chien a finalement été retrouvé, il s'avère qu'il avait été sauvé et emmené dans la préfecture voisine".
Mme Kanno a eu la chance de pouvoir emmener sa chienne bien-aimée, Matsuko, avec elle lors de l'évacuation. Lorsqu'elle a emménagé dans un logement temporaire de plus long terme, un bloc spécial était réservé aux propriétaires d'animaux, ce qui lui a permis de vivre avec Matsuko. Cependant, le premier hiver suivant la catastrophe, Matsuko a soudainement développé une maladie du sang, la thrombocytopénie, et est morte d'une hémorragie interne. Mme Kanno se souvient que sa fidèle chienne toussait du sang qui colorait la neige en rouge alors qu'elle n'avait jamais souffert de problèmes de santé auparavant, dans l'appartement familial, pourtant un préfabriqué exigu. Mizue Kanno pense que le pelage de Matsuko avait absorbé des particules radioactives déposées sur le sol qu'elle a ensuite transportées avec elle, ce qui a entraîné une dose d'exposition beaucoup plus importante.

"Lorsque j'ai emmené Matsuko chez le vétérinaire, je lui ai demandé si sa maladie pouvait avoir un lien avec les radiations de Fukushima Daiichi. Il m'a répondu que nous ne comprenions pas encore les effets des radiations sur les personnes, et encore moins sur les animaux. Je voulais faire autopsier Matsuko, dans l'espoir que cela puisse être utile à d'autres personnes à l'avenir, mais il n'y avait aucun endroit prêt à le faire".
L'incident a permis à Mizue Kanno de prendre conscience de la situation : "Nous sommes comme des cobayes, mais en pire". Elle avait l'habitude d'entendre qualifier les habitants et habitantes de Fukushima de "cobayes humains", "mais au moins les cobayes sont testés et analysés en laboratoire, ajoute-t-elle avec amertume. Nous ne pouvons même pas passer de tests. S'il n'y a pas de tests, il n'y a pas de données, ce qui permet aux autorités de prétendre plus facilement que rien ne s'est passé."
Sa maison ayant été choisie comme "zone de décontamination modèle" à Namie, Mme Kanno a été autorisée à rentrer chez elle pour de brèves périodes. Elle en a profité pour y ramener le corps de Matsuko et l'enterrer sous un cerisier du jardin. Gardant l'espoir qu'un jour il serait possible de faire davantage d'examens et d'établir la cause de son décès, elle a choisi de ne pas incinérer Matsuko, mais de l'enterrer son corps intact.
Matsuko était peut-être la première, mais elle n'était pas la dernière. Au cours des années suivantes, des chiens de toutes races et de tous âges ont été victimes de cancers et d'autres maladies. Le bloc de logements temporaires de Mme Kanno comprenait quarante unités réservées aux propriétaires d'animaux, mais elle raconte que lorsqu'elle a quitté les lieux quatre ans plus tard, en 2015, presqu'aucun des chiens n'était encore en vie.
"Après le départ de tous les humains, les chiens restés à Tsushima sont devenus sauvages et ont commencé à se reproduire. Je voyais des meutes de dizaines de chiens errer dans la région lorsque je revenais vérifier la maison. C'était la première fois que je me sentais menacée par des chiens, au point d'avoir peur de sortir. Je ne pense pas qu'ils étaient agressifs simplement parce qu'ils étaient sauvages - je pense que c'est parce qu'ils se souvenaient de la façon dont les humains les avaient trahis. Les éleveurs locaux ont également libéré les vaches de leurs étables avant leur départ, et durant l'été 2011, je voyais encore des troupeaux de vaches errer dans les environs. Elles étaient totalement apprivoisées et s'approchaient pour voir ce que nous faisions. Mais chaque fois que je regardais leurs doux yeux de vaches, je voyais se refléter la cruauté des humains."

Comme la neige dans une vallée sombre
Mizue Kanno est également une survivante du grand tremblement de terre de Hanshin de 1995. En tant qu'aide-soignante, elle a patrouillé dans les rues dévastées de Kobe pour veiller au bien-être des personnes âgées et handicapées. À l'époque, elle a constaté la misère des logements temporaires bon marché. Elle était loin de se douter qu'un jour, elle vivrait elle-même dans des conditions similaires.
"Je me réveillais la nuit à cause de démangeaisons et je découvrais des fourmis rouges qui grouillaient sur mon futon. La fumée des cigarettes de mon voisin colorait l'air de ma chambre en violet. En été, le soleil qui tapait sur le toit et la charpente métalliques faisait grimper la température à 40 degrés, tandis qu'en hiver, le manque d'isolation transformait l'endroit en réfrigérateur. La baignoire n'était qu'un simple baquet, si bien que je me retrouvais assise dans la baignoire, gelée de bas en haut !
Les personnes logées dans cette unité d'hébergement temporaire se sont organisées en groupes de résidents et résidentes et ont adressé de nombreuses pétitions aux autorités locales, ce qui a permis d'améliorer légèrement les conditions, mais le mode de vie était encore loin d'être confortable. Les nombreux sites d'hébergement temporaire qui accueillent les personnes évacuées pour de longues durées dans la région avaient des politiques différentes selon les autorités locales, mais la ville de Kori, où Mme Kanno s'est retrouvée, était relativement accommodante, leur permettant d'utiliser les installations municipales en tant que résidentes et résidents quasi-permanents.
Les logements temporaires abritaient de nombreuses personnes âgées qui nécessitaient des soins, mais bien que les autorités locales fournissaient une aide dans les cas les plus graves, elles n'étaient pas en mesure d'offrir un soutien suffisant. En tant qu'ancienne aide-soignante, Mizue Kanno organisait des rencontres entre les résidents âgés, pour permettre une entraide.
"Les temps étaient durs mais nous nous encouragions mutuellement et nous organisions même des soirées entre filles pour les vieilles dames. Je garde de bons souvenirs des logements temporaires mais en même temps, j'ai vu à quel point il peut être difficile de vivre dans une région inconnue. La chose la plus difficile a été le traitement que nous avons reçu de la part d'une partie des membres de la communauté locale.
Les personnes évacuées ont été stigmatisées en raison de leur association avec Fukushima Daiichi, les radiations et l'évacuation elle-même. Le manque d'informations claires et précises de la part du gouvernement a entraîné une incompréhension généralisée au sein de la communauté. Les malentendus sur le système d'indemnisation en particulier ont valu aux personnes évacuées des critiques acerbes : "J'ai entendu dire que vous vous en sortiez bien avec l'argent des indemnisations ! Mais c'est moi qui les paye, avec mes impôts, vous savez !". La désinformation et la méfiance se sont répandues dans la société au cours des années d'incertitude qui ont suivi la catastrophe. Mme Kanno estime que les personnes évacuées sont devenues des boucs émissaires bien commodes face aux craintes globales de la société.
"Bien que la neige souffle dans toutes les directions lors d'une tempête, elle ne s'accumule pas sur les hauteurs. Le vent la rabat vers les points les plus bas du paysage. Même après le dégel, les congères restent dans les vallées les plus sombres. En tant que personne évacuée, vous êtes comme cette neige tenace qui refuse de partir".

Un appel à celles et ceux qui ont encore le choix.
Plusieurs fois par an, Mme Kanno se rend encore dans son ancienne maison de Tsushima pour vérifier l'état de la bâtisse et se recueillir sur la tombe familiale. Le bâtiment est aujourd'hui tellement délabré qu'il est impossible d'imaginer y vivre à nouveau, et le jardin est envahi par les broussailles et les jeunes arbres. Malgré toute l'affection qu'elle porte à Tsushima et à la vie dans un décor naturel si riche, Mizue Kanno a déménagé dans une maison traditionnelle de la préfecture de Hyogo, où sa famille s'est réunie. Incapables d'envisager un mode de vie urbain étriqué, ils ont acheté une maison dans une communauté rurale isolée. La géographie du Japon fait qu'il n'y a pas d'endroit vraiment éloigné d'une centrale nucléaire, mais l'un des facteurs décisifs dans le choix de Hyogo a été que la centrale la plus proche se trouve à 80 km.
En tant que membre de la génération qui a permis la construction des centrales nucléaires japonaises, et en tant que victime et évacuée elle-même, Mme Kanno estime qu'elle a le devoir de transmettre son expérience, sous peine de faire partie du problème. Elle partage son expérience en public dès qu'elle le peut. Elle est devenue une militante contre l'énergie nucléaire, luttant contre le redémarrage des centrales et identifiant les failles dans les plans d'évacuation. Lorsqu'elle rend visite aux communautés qui accueillent des centrales nucléaires, elle demande aux employé·es du conseil local : "Avez-vous ce qu'il faut pour apporter votre soutien même si vous êtes vous-même victime ?"
"Ce que j'ai découvert en tant que personne évacuée, c'est qu'il y a des limites à ce que l'on peut faire soi-même en cas d'urgence. Quels que soient vos efforts, vous dépendrez toujours, dans une certaine mesure, des autorités. Les employé·es de la municipalité doivent supporter le poids de la frustration de leurs voisins et voisines, malgré leur propre souffrance. Les personnes travaillant pour les préfectures ou le gouvernement central n'ont pas à faire face à cela. J'ai vu des personnes employées par la mairie, épuisées et en larmes, tentant d'expliquer aux habitants et habitantes en colère qu'elles étaient elles-mêmes victimes. Des enquêtes ont révélé un taux très élevé de maladies mentales parmi les personnes travaillant pour les communes de la zone sinistrée".
Lorsque Mme Kanno s'exprime en public, elle aime utiliser une métaphore :
"Tant que nous conserverons l'énergie nucléaire, ce qui m'est arrivé peut vous arriver à tout moment. Le 11 mars, j'ai franchi le seuil de ma maison et j'ai dû laisser mon ancienne vie derrière moi. Vous, en revanche, vous êtes encore le 10 mars et vous avez le choix. Votre 11 mars peut prendre deux directions. Quelle voie fera peser le fardeau le moins lourd sur nos enfants et les générations futures ? En tant qu'adultes, je vous invite à bien réfléchir.
- *cpm : Coup par minute : Chaque coup mesuré correspond à une désintégration détectée par l’appareil. Les CPM représentent le nombre de désintégrations détectées par l’appareil en une minute. Des compteurs Geiger et d'autres appareils sont utilisés pour mesurer les matières radioactives adhérant à la surface des vêtements ou du corps. Le "Exposure emergency medical response manual" (Manuel d'intervention médicale d'urgence en cas d'exposition) de la préfecture de Fukushima recommandait à l'époque un dépistage de la thyroïde et la prise de comprimés d'iode pour toute personne présentant une mesure de 13 000 cpm ou plus au moment de l'évacuation.
